La crise économique et les nouvelles tendances La crise financière et économique et la mondialisation ont un impact direct et indirect sur l’équilibre des ACI, même si leurs activités sont des services de proximité et, de fait, non délocalisables. Les situations sont très difficiles pour certaines structures.
Destiné à financer des actions de qualification ou de requalification pour les salariés fragilisés ou les demandeurs d’emploi, le Fonds paritaire de sécurisation des parcours professionnels (FPSPP) est alimenté par les organismes paritaires collecteurs agréés (OPCA). Il fonctionne sur la base d’appels à projets auxquels peuvent répondre les OPCA. Il conserve la mission de péréquation anciennement dévolue au Fonds unique de péréquation. La loi introduit comme nouveau critère de péréquation que les OPCA consacrent au moins 50 % des fonds reçus au financement de périodes de professionnalisation visant une certification professionnelle d’une durée minimum de 120 heures, et de contrats de professionnalisation visant eux aussi une certification professionnelle.
Tel ACI spécialisé dans l’entretien de l’espace rural se heurte à une baisse des prix due à une concurrence accrue sur les marchés publics ; tel autre récupérant des matériaux doit faire face à l’effondrement des prix des matières premières… La situation se complique avec le durcissement du chômage, lequel génère une augmentation du nombre de candidatures à laquelle ne peuvent répondre les ACI. Autre problème : les entreprises du secteur marchand étant elles-mêmes assaillies de demandes d’emploi, les ACI ont plus de difficultés à assurer un reclassement à leurs salariés polyvalents. Sans compter que lesdites entreprises préfèrent embaucher des personnes au CV et au parcours « irréprochables »…
À l’inverse, la crise et l’augmentation du nombre de personnes en situation de pauvreté (le dernier rapport du Secours catholique livre des chiffres accablants) engendrent des besoins auxquels les ACI peuvent répondre. Ce qui accentue encore leur caractère d’utilité sociale. On observe ainsi que les recycleries, par exemple, enregistrent une croissance de leurs ventes. De surcroît, à une clientèle qui, ayant des difficultés financières, ne peut plus acheter que du matériel usagé, s’ajoute celle qui, par choix, ne veut plus consommer d’articles neufs. Le retour à une consommation raisonnée gagne du terrain.
Ce n’est pas le moindre principe du développement durable, lequel ouvre d’énormes opportunités. Le tourisme vert incite les collectivités locales à créer des sentiers balisés, la crise agricole laisse des terrains à l’abandon à revitaliser, les dérèglements climatiques obligent les communes à entretenir cours d’eau et berges, la récupération et le recyclage des déchets, la préservation de l’eau et des milieux naturels, etc., sont devenus la règle. Autant de domaines au sein desquels, « historiquement », les ACI ont toujours été bien implantés. Mais ce qui était pour eux, jusque-là, des niches d’activités peu rentables délaissées par le secteur marchand, ne l’est plus aujourd’hui. Les ACI sont appelés à devenir des acteurs, voire des piliers du développement durable, sur un territoire dont ils connaissent les besoins. Et si leur avenir dépend des financements publics et de leur budget d’autofinancement, il repose également sur leurs capacités à s’adapter à ce nouveau contexte. Ils ont à y gagner sur le plan de leur crédibilité et d’un point de vue financier : le développement durable concernant au premier chef les collectivités locales, celles-ci vont trouver de plus en plus judicieux, et moins onéreux, de faire appel aux structures de l’IAE. Les ACI se sont déjà beaucoup investis dans la gestion des déchets, le recyclage du papier, le tri, la retouche et la vente de vêtements usagés, l’éco-construction, les techniques de production et d’entretien de l’environnement innovantes, la collecte et la dépollution de matériel en fin de vie…
Un changement de cadre réglementaire
De récentes évolutions réglementaires auront des incidences sur le devenir des ACI. La directive européenne sur les services, par exemple, exige que l’aide de l’État aux structures d’insertion par l’activité économique (SIAE) soit compensée par des contraintes liées à l’intérêt général dans le cadre d’un mandatement. La notion d’intérêt général n’est pas toujours facilement démontrable, estiment le Conseil national de l’insertion par l’activité économique (CNIAE) et les réseaux des ACI, d’où une crainte de se voir refuser, dans certains cas, des financements… En revanche, l’accord-cadre européen sur des « marchés du travail inclusifs » du 25 mars 2010, qui prévoit des méthodes de recrutement et d’intégration spécifiques pour les publics en difficulté, présente un réel intérêt.
De même que la loi relative à l’orientation et à la formation professionnelle tout au long de la vie du 24 novembre 2009 qui, en plus d’un renforcement des dispositifs existants (droit individuel à la formation, congé individuel de formation, plan de formation…), a arrêté plusieurs mesures en faveur des personnes les plus éloignées de l’emploi. Parmi elles : des modalités de mise en oeuvre de contrats de professionnalisation plus favorables pour les publics fragilisés, la mise en place d’un dispositif de préparation opérationnelle à l’emploi (POE)… De son côté, le Fonds paritaire de sécurisation des parcours professionnels (FPSPP) a pour objectif une meilleure orientation du financement de la formation professionnelle vers les entreprises et les populations qui en ont le plus besoin.
De nouvelles modalités de conventionnement…
Trois catégories de sorties dynamiques ont été définies :
• les sorties vers l’emploi durable (CDI, CDD ou mission d’intérim de six mois et plus, titularisation dans la fonction publique et création d’entreprise) ;
• les sorties vers un emploi de transition (CDD ou mission d’intérim de moins de six mois, contrats aidés chez un employeur de droit commun) ;
• les sorties positives (formations pré-qualifiantes ou qualifiantes, embauches dans une autre SIAE…).
Changement majeur : le plan de modernisation de l’IAE (Insertion par l’activité économique) issu du Grenelle de l’insertion. Il a abouti notamment à de nouvelles modalités de conventionnement qui permettent de reconnaître les projets d’insertion des SIAE et de déterminer les objectifs opérationnels dans le cadre d’un dialogue de gestion. Elles rendent également possible d’attribuer des moyens afférents en adéquation avec ces objectifs, de piloter les conventions avec les SIAE en fonction de leurs projets et de leurs résultats. Un référentiel a été élaboré, qui prévoit quatre axes pour le projet d’insertion : l’accueil et l’intégration en milieu de travail ; l’accompagnement social et professionnel ; la formation des salariés en insertion ; la contribution à l’activité économique et au développement territorial. Conséquence de l’application de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF), les SIAE sont financées au titre de la politique de l’emploi. On est dans une logique de moyens, avec une analyse partagée des résultats au regard de différents indicateurs et du contexte de mise en oeuvre de la convention. Dans les conventions, des objectifs de taux de retour à l’emploi sont contextualisés en fonction des spécificités du territoire et des priorités fixées au conseil départemental de l’insertion par l’activité économique (CDIAE). Trois catégories de retour à l’emploi, appelées « sorties dynamiques », existent. Autre modification : la création, au 1er janvier 2010, pour les salariés polyvalents des ACI, du contrat unique d’insertion (CUI), qui remplace les anciens contrats aidés. Il se décline en deux versions, selon que l’employeur relève du secteur non marchand (CUI-CAE/contrat d’accompagnement dans l’emploi) ou du secteur marchand (CUI-CIE/ contrat initiative emploi). Le CUI est conclu pour une durée déterminée ou indéterminée, à temps partiel ou complet. Il peut l’être pour une durée minimale de six mois, avec renouvellement possible dans la limite de vingt-quatre mois ou plus sous certaines conditions. La durée hebdomadaire du travail est comprise entre vingt et trente-cinq heures, elle peut être inférieure pour les salariés connaissant certaines difficultés.
… qui suscitent des inquiétudes
Ces nouvelles dispositions soulèvent des interrogations. Si le dialogue de gestion est plutôt une bonne chose, dans la mesure où il permet aux structures de mieux orienter leurs actions sur le territoire et d’avoir une meilleure lisibilité de leurs résultats, le nouveau mode de conventionnement suscite des inquiétudes. Les acteurs du secteur estiment qu’il manque de souplesse. Il se focalise selon eux sur le retour à l’emploi et exige des résultats immédiats, alors que l’insertion nécessite un travail de fond qui peut prendre beaucoup de temps. De même, le CUI est plutôt perçu positivement, mais les nouvelles modalités de financement des structures d’insertion par l’activité économique, actuellement en cours d’élaboration avec les acteurs du secteur de l’IAE (qui pourrait prendre la forme d’une aide au poste pour l’ensemble des SIAE), engendrent, elles aussi, des inquiétudes. Sur un autre plan, même si l’État reste le principal financeur des ACI, ceux-ci ne parviennent à trouver un équilibre financier qu’en ayant recours aux financements des collectivités territoriales dans le cadre de leurs compétences (insertion pour le département, formation et développement économique pour la région). La question principale est celle de la gouvernance territoriale et de la mise en cohérence des diverses politiques dans le cadre desquelles interviennent les ACI.